Femme nue, femme noire
Vêtue de ta couleur qui est vie, de la forme qui est beauté
J’ai grandi à ton ombre, la douceur de tes mains bandait mes yeux
Et voilà qu’au cœur de l’été et de midi
Je te découvre, terre promise, du haut d’un haut col calciné
Et la beauté me foudroie en plein cœur, comme l’éclair d’un aigle

Femme nue, femme obscure
Fruit mur à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fait lyrique ma bouche
Savane aux horizons purs, savane qui frémit aux caresses ferventes du vent d’est,
Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueur
Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l’aimée

Femme noire, femme obscure
Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l’athlète, aux flancs des princes du Mali
Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau
Délices des jeux de l’Esprit, les reflets de l’or ronge ta peau qui se moire
A l’ombre de ta chevelure s’éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux

Femme nue, femme noire
Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l’eternel
Avant que le destin jaloux ne te réduise ne cendres pour nourrir les racines de la vie
LS Senghor

